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C’est (…) à partir du XIXe siècle que l’idée de frontière va se singulariser aux États-Unis pour devenir la grille de lecture de l’invention d’une nation tout entière. (...)De 1804 à 1806, le président Jefferson (…) obtint du Congrès le financement d’une expédition exploratrice vers l’ouest par le nord (…) au triple but : scientifique (études des tribus amérindiennes, de la faune, de la flore et de la géologie des régions traversées), commercial (ouverture d’un passage plus rapide vers l’Orient) et politique (...). Cette expédition, restée célèbre, fut dirigée par Meriwether Lewis et William Clark.

De ce moment naquit distinctement aux États-Unis une humeur pastorale, qui imprégnera toute la culture américaine à venir, voyant dans le territoire, la « terre vierge », le « jardin du monde » (the garden of the world). Le sol américain devient ainsi à la fois le terminus ad quem de l’histoire des hommes, comme un retour à l’Éden perdu, une espèce de « terre promise » (qui justifiera, en grande partie, le génocide indien, la contrée étant perçue en quelque sorte comme un théologique), et son terminus a quo, par l’actualisation d’une pensée de type néo-rousseauiste, qui va, inversement, voir dans le native American le
« bon sauvage » (voir la légende de Pocahontas) et dans les neufs far horizons un mode de vie innocent, pur, intègre, pas encore corrompu par la société (…),où l’on pourra prendre un nouveau départ, se « refaire une virginité ». (…)

L’Américain est celui non pas qui remplace la nature par la civilisation, mais qui retourne la nature en civilisation, comme on pourrait le faire d’un gant. Le système politique américain n’est pas né de l’exportation transatlantique des idéaux révolutionnaires ou des Lumières philosophiques de l’Europe : il est né, immanent, du Go West ! , du Winning the West dont parle Theodor Roosevelt, des pionniers en tous genres (marchands de fourrure et fermiers, bâtisseurs et commerçants, industriels et investisseurs), des shérifs et des « tuniques bleues », des chariots bâchés remontant l’Oregon Trail, des comptoirs de la vallée du Mississippi, des premiers hôtels qui sont apparus le long des routes des Grandes Plaines, du chemin de fer, de la Wells Fargo & Co., du Pony Express, des mines d’argent..., qui tous, à leur manière, ont contribué à peupler et socialiser un territoire défavorable et inhabité, c’est-à-dire ont sédentarisé l’occupation d’un territoire, là où les tribus indiennes étaient principalement nomades. (…)

Les États-Unis se sont édifiés et définis sur une frontière insaisissable : une frontière qui ne fait qu’avancer, qui n’existe que comme incessant autodépassement, inépuisable relève, que comme « self made frontier », pour employer le langage cher à l’entrepreneur Andrew Carnegie, que comme une frontière qui ne se distingue plus de ce qu’elle est censée séparer.
Le territoire américain n’est pas pris entre des frontières, le bordant de part et d’autre, il n’est qu’une gigantesque frontière s’étalant sur des millions de kilomètres carrés. (…)
"Alors que je me tiens ici devant vous, sous ces lumières, je veux que vous vous rappeliez que 2018 est aussi une bonne année. C'est une année au cours de laquelle des records ont été établis. Une année au cours de laquelle même les plus aveugles d'entre nous ont été contraints de reconnaître que le monde est brisé et qu'il faut le réparer. Et c'est une bonne chose ! Reconnaître le problème est la première étape pour le résoudre. Je considère la science-fiction et la fantasy comme les moteurs du zeitgeist (esprit du temps) : nous, créateur.rice.s, sommes les ingénieurs des possibles. Et maintenant que ce genre, même à contrecœur, reconnaît que les rêves des personnes marginalisées comptent et que chacun.e d'entre nous a un futur, alors le monde évoluera. Bientôt, je l'espère."
"Le queer pour moi, c'est une porte ouverte vers de nouvelles façons de voir le monde, la famille, les relations interpersonnelles. Quelque part, c'est de la SF au quotidien. Je vois dans le terme une tendre subversion, pour nous élever - c'est politique et révolutionnaire. J'aime bien dire que je fais de la SF queer, parce que c'est un genre dans lequel je me reconnais assez, oui, péter toutes ces barrières, aller au plus près de l'intime, de ces mouvements intérieurs et extérieurs, les galaxies et l'amour."
Red Dead Redemption 2 est un jeu d'action-aventure sur le thème du western, développé et publié en 2018 par Rockstar Games. Il s'agit d'un prequel du Red Dead Redemption de 2010.
En 1899, soit une décennie avant les évènements du premier jeu, le mythique Far West vit ses derniers jours.
Les natifs Américains ont été chassés des plaines pour faire place aux colons blancs, à l'industrialisation et au commerce. Les forêts sont abattues pour leur bois, les collines éventrées pour leur charbon.
C'est dans cette fin de siècle où le progrès inexorable de la civilisation occidentale met fin au temps des cow-boys, que j'ai joué Arthur Morgan, membre d'un groupe de parias dirigé par Dutch Van Der Linde.
Pendant près de 80 heures, j'ai vécu la vie d'Arthur Morgan. J'ai dormi dans des campements avec mon gang, j'ai attaqué des trains et braqué des banques, j'ai tué, menti et volé, j'ai chevauché de montagnes en marécages, je suis morte encore et encore.
Chaque centimètre carré de ce monde a été minutieusement pensé, chaque détail scrupuleusement étudié pour donner cette impression de monde vivant, vrai. Red Dead 2 a nécessité des milliers d'employé·e·s, 8 années de développement, 700 acteurs et actrices voix, 2000 pages de script et 500.000 lignes de dialogue. C'est un jeu absurdement ambitieux, qui a établi des records de vente dès son lancement au prix d'énormes efforts et sacrifices.
Les studios de Rockstar adoptent une culture de travail extrême, appelée crunch. Il s'agit d'heures supplémentaires "volontaires" et de pressions psychologiques poussant les employé·e·s à travailler plus que de raison.
Pendant le générique de fin, des milliers de noms défilent pendant plus de 20 minutes, montrant les noms de toutes les personnes ayant travaillé au jeu. Enfin, presque toutes : ce générique, gage de visibilité et de reconnaissance, était aussi un moyen de pression car pour y voir figurer son nom, il fallait être resté jusqu'au bout du projet. Une dizaine de personnes apparaissent dans la section "horses", et la présence de testicules pour les chevaux mâles a été saluée par la critique.
Au XIXe siècle, la manifest destiny était la croyance selon laquelle le destin divin des colons blancs était de se répandre à travers l'Amérique. Les peintures de l'Hudson River School contribuaient non seulement à former, mais aussi à perpétuer cette idéologie, en peignant l'Amérique comme un jardin sacré intact attendant d'être mis à profit par les colons.
La manifest destiny a servi d'excuse au massacre et à la relocalisation forcée des natifs Américains.
Et bien qu'abstraite, l'Amérique de Red Dead Redemption 2 reste une nation en proie à la guerre de Sécession, où les femmes ne sont pas autorisées à voter et sont coincées entre le rôle de la mère au foyer et celui de la prostituée, où le racisme est profondément ancré et où les Amérindiens et leur culture sont systématiquement éradiqués. Les natifs Américains sont une histoire secondaire, servant seulement à la rédemption du personnage principal blanc. Arthur Morgan est un homme blanc, violent, fort, le stéréotype du cow-boy viril, une image fantasmée du Far West en partie dictée par l'Hudson River School.
Les Wild West Shows étaient des spectacles itinérants aux États-Unis et en Europe entre 1870 et 1920.
Ces spectacles en plein air dépeignaient les stéréotypes romantiques de l'Ouest américain. Certains scénarios et personnages étaient basés sur des évènements réels, tandis que d'autres étaient purement fictionnels.
Éclaireur de l'armée et chasseur de bisons pour les compagnies de chemin de fer (ce qui lui valut son surnom), William "Buffalo Bill" Cody fonde en 1883 le Buffalo Bill's Wild West. Le spectacle présente des reconstitutions historiques, des spectacles de tir, des courses de chevaux et des rodéos, et dure entre 3 et 4 heures, et attire des milliers de personnes.
Il s'agit du plus connu des Wild West Shows, et il a duré jusqu'en 1913. À son apogée, le Buffalo Bill's Wild West comptejusqu'à 1200 interprètes construisant leur légende à travers les États-Unis, puis en Europe. Afin d'entretenir une impression de véracité historique, Cody cherche à employer des acteurs et des actrices "authentiques" de la Conquête de l'Ouest, qui mettent en scène et rejouent leurs propres exploits, réels ou inventés. Parmi ces interprètes, on retrouve Annie Oakley, sur qui je reviendrai plus tard. Calamity Jane, qui a fait l'objet de nombreuses histoires folles, dont beaucoup inventées par elle-même, s'est aussi produite dans des Wild West Shows.
On retrouve aussi des acteurs venus des nations des Plaines (notamment le peuple Lakota), qui apparaissent souvent dans des scènes d'attaque contre les colons blancs, où ils étaient présentés comme des sauvages cruels et violents. Le chef indien Sitting Bull est notamment apparu aux côté d'Annie Oakley.
Grâce à son Wild West Show, Buffalo Bill a efficacement et durablement défini l'image populaire de l'Ouest mythique pour nombre d'Américain·e·s et d'Européen·ne·s, avant de finalement faire faillite en 1913. Les Wild West Shows ont suscités l'intérêt pour le Far West, tout en véhiculant et construisant une vision très romancée et fantasque de la conquête de l'Ouest. Le premier film de western, The Great Train Robbery, a été réalisé en 1903, et des milliers d'autres ont suivi.
Phoebe Ann Moses naît le 13 août 1860 près de Greenville dans l'Ohio.
Son père meurt alors qu'elle a six ans, et Annie commence à chasser pour nourrir ses frères et sœurs. Elle vend ses proies tuées d'une balle dans la tête, et ses talents au tir sont connus dans toute la région. Elle aurait ainsi gagné suffisamment d'argent pour rembourser l'hypothèque de la ferme familiale.
À 15 ans, elle bat Frank Butler, un tireur réputé, lors d'un concours de tir à Cincinatti. Ils se marient peu de temps après, et Annie le suit dans ses tournées de tir. Elle choisit le nom d'Oakley, une banlieue de Cincinatti, et le couple se produit sous le nom de "Butler & Oakley".
En 1883, Annie rencontre le chef indien Sitting Bull, qui se dit impressionné par ses talents au tir et lui donne le nom de Watanya Cicilia : Little Sure Shot.
Deux ans plus tard, le couple rejoint le Buffalo Bill's Wild West. Sous le nom de de "Miss Annie Oakley, the Peerless Lady Wing-Shot", Annie devient l'une des attractions vedettes. Frank cesse de tirer pour travailler à la préparation des armes et des numéros d'Annie. On raconte qu'elle pouvait tirer sur le bout d'une cigarette entre les lèvres de Frank, toucher une carte à jouer lancée en l'air à 30 pas et tirer sur des cibles éloignées en se regardant dans un miroir.
Le 4 mai 1894, elle démontre ses talents au tir devant une caméra.
Le 28 octobre 1901 le train du Buffalo Bill's Wild West a un accident. Annie est blessée et partiellement paralysée pendant un certain temps. Elle finit par se rétablir et continue à participer et gagner de nombreux concours de tir.
Pendant la Première Guerre mondiale, elle se porte volontaire pour former un régiment de tireuses d'élites. Sa pétition est ignorée, alors Annie aide à collecter des fonds pour la Croix-Rouge en organisant des expositions et des concours dans les camps de l'armée. Annie Oakley aurait appris à tirer à des milliers de jeunes filles et s'engagea pour les droits des femmes.
En 1922, à 62 ans, elle est capable de toucher 100 cibles d'argile à 15 mètres. Annie Oakley décède finalement en novembre 1926, à l'âge de 66 ans.
Pendant le confinement, j'ai énormément joué à Red Dead Redemption 2.
Le directeur artistique de Rockstar Games, Aaron Garbut, a déclaré ne pas avoir voulu s'inspirer de la peinture ou du cinéma pour RDR 2, voulant créer quelque chose de neuf et d'original. C'est évidemment faux, tant l'image que nous avons du mythique Far West a été façonnée par les récits, et les images qui le raconte.
L'Hudson River School est un mouvement artistique datant du début du XIXème siècle, connu pour ses peintures de très grandes dimensions représentant une vision idéaliste extrêmement détaillée de paysages américains.
Le paysage n'était pas utilisé pour représenter de manière fidèle un lieu particulier, mais plutôt pour porter des significations allégoriques. 200 ans plus tard, Rockstar fait la même chose : les paysages de Red Dead 2 sont des composites d'une nature sauvage américaine idyllique.
La conquête de l'Ouest s'est construite sur l'imaginaire de la frontière, par un incessant dépassement.
Mais quand toutes les frontières terrestres ont été franchies, que reste-t-il à explorer, conquérir et exploiter ?
L'aviation, qui a largement été développée pendant la Première Guerre mondiale, a changé notre vision de la Terre, apportant de nouvelles images et de nouveaux points de vue (regard en plongée : regard divin, omniscient. Vue d'ensemble, effacement des détails). Les avions ont permis d'atteindre des zones hostiles et de s'affranchir de la gravité terrestre.
Les missiles V2 allemands, récupérés par les États-Unis à l'issue de la Seconde Guerre mondiale ont servi à construire les propulseurs des fusées. Le nouveau Far West, c'est l'espace.
C'est la soif du profit d'un petits groupe d'hommes blancs qui, par l'exploitation et surtout la conquête, cherche à accroître sa domination, en possédant des terres, en asservissant les individus (et plus largement les animaux) afin de gagner de l'argent.
Octobre 2033
Le rivage


Mars était un rivage lointain sur lequel les hommes se répandaient par vagues. Chaque vague était différente, et chaque vague plus forte. La première apporta des hommes habitués aux grands espaces, au froid et à la solitude, qui vivaient au milieu des coyotes et du bétail, des hommes sans la moindre once de graisse, au visage émacié par les années, aux yeux en têtes de clous, aux mains parcheminées comme de vieux gants, prêtes à se poser sur n'importe quoi. Mars ne pouvait rien contre eux, car ils avaient pour élément naturel des plaines et des prairies aussi vastes que les étendues martiennes. Ils arrivèrent et revendiquèrent tout ce vide un peu moins vide, pour en encourager d'autres à les suivre. Ils mirent des carreaux aux fenêtres béantes et des lumières derrière les carreaux.
C'étaient les premiers hommes.
Chacun savait qui seraient les premières femmes.
Les seconds émigrants auraient dû venir d'autres pays, avec d'autres accents et d'autres idées. Mais les fusées étaient américaines, les hommes étaient américains, et les choses en restèrent là, tandis que l'Europe, l'Asie, l'Amérique du Sud, l’Australie et les îles regardaient les chandelles romaines partirent sans eux. Le reste du monde était plongé dans la guerre ou des pensées de guerre.
Les seconds émigrants furent donc encore des Américains. Issus des quartiers populaires et des couloirs de métro, ils trouvèrent un repos immensément réparateur auprès de ces hommes taciturnes qui venaient des États fertiles en épineux et connaissaient si bien la valeur du silence qu'on se sentait rempli de paix à leur contact après tant d'années de compression dans des tubes, des boîtes et des caisses à New-York(...).
Dans Chroniques martiennes, Ray Bradbury reprend le vocabulaire et l'imaginaire de la conquête de l'Ouest, et l'applique à la conquête de Mars. Le parallèle est effrayant.
Les cow-boys ont conquis le Far West et se sont arrêtés en face de l'océan Pacifique. Ils ont créés l’État de Californie, la ville de San Francisco et la Silicon Valley. Ils se sont sédentarisés, ont rangés leurs revolvers et ôté leur chapeau, dit adieu à leur chevaux. Les cow-boys ont arrêtés de parcourir les plaines, et se sont tournés vers les étoiles.
C'est depuis le désert de l'Utah que sont conduites les recherches et simulations autour de l'occupation humaine de Mars.
De même que la vision du Far West est construite par ses récits, l'espace est également : les images que nous voyons au-delà de l'atmosphère terrestre sont retravaillées et retouchées par les agences spatiales, dans le but de les rendre plus lisibles, mais aussi plus belles : elles sont plus vraies que nature.
Le 30 mai 2020, nous étions plusieurs à nous êtres réuni·e·s sur la terrasse d'une amie la nuit, pour apercevoir Crew Dragon, en route vers l'ISS. Comme prévu, à 23h15 précisément, on a vu la navette briller près de la Lune. On a suivi sa course, jusqu'à ce qu'elle passe dans l'ombre de la Terre et cesse de briller. Pendant deux minutes, nous avons regardé, émerveillé·e·s, bouleversé·e·s, le point brillant dans le ciel indiquant le passage de deux hommes propulsés dans l'espace par des milliers de litres de carburant enflammés, dans une coquille de métal.
La conquête de l'espace commence en 1957, par le lancement du satellite Spoutnik. En 1967, soit deux ans avant les premiers pas de l'humain sur la Lune, est signé l'Outer Space Treaty, posant les fondements juridiques relatifs à l'exploration et à l'utilisation de l'espace : "l'espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, ne peut faire l'objet d'appropriation nationale par proclamation de souveraineté". En clair, l'espace n'appartient à personne et donc revient à tout le monde.
Mais en 2015 est voté le Space Act, une loi américaine venant contredire directement l'Outer Space Treaty, en déclarant
"les citoyens américains peuvent entreprendre l'exploration et l'exploitation commerciales des ressources spatiales".
Avec Crew Dragon, c'est la première fois depuis 2011 que les États-Unis utilisent un véhicules états-uniens pour envoyer, depuis le sol américain, 2 ressortissants dans l'espace (Robert Behnken et Douglas Hurley). En effet, les États-Unis étaient avant dépendants du site de lancement de Baïkonour et des capsules Soyouz. C'est un retour à l'indépendance des États-Unis dans le vol habité, d'autant plus symbolique qu'il s'effectue à bord d'une capsule et d'un lanceur conçus par une société privée, Space X.
Le décollage de la mission Mars 2020 de la NASA est prévu pour cet été. L'agence spatiale de la République populaire de Chine prévoit également l'envoi de Tianwen-1 vers la planète rouge cet été, tandis que l'Inde vise la Lune en novembre avec Chandrayaan-2, et le retour de Hayabusa-2, une sonde japonaise partie collecter des échantillons de l'astéroïde Ryugu.
Depuis la course à l'espace de la Guerre Froide, de nouveaux acteurs ont fait leur apparition. Il ne s'agit plus d'un affrontement bilatéral, mais la course est toujours active. De nouveaux imaginaires se déploient et s'affrontent, et il est plus qu'urgent de les questionner afin de ne pas voir advenir les Chroniques martiennes.
Il y a de nombreuses similitudes entre la figure du cow-boy et celle de l’astronaute : les deux sont forts, courageux, sans peur, explorent, franchissent tous les obstacles et sont dans un auto-dépassement constant. Si l'on s'en tient à cette définition, je ne pourrais être ni un cow-boy, ni un astronaute. C'est pourtant mon plan de carrière donc c'est embêtant. Mais en même temps, je ne connais personne remplissant tous ces critères.
Cet imaginaire est dangereux. La conquête du Far West n'était pas organisée ; encouragée par les instituions, elle reposait néanmoins sur des initiatives personnelles. Le programme Apollo a nécessité 20 000 entreprises, plus de 400 000 employé·e·s travaillant sans relâche (ielles ont du connaître des périodes intenses de crunch, avant même que le mot n’apparaisse), et près de 150 milliards de dollars.
Aujourd'hui, la conquête tend à glisser vers l'exploration, mais d'importants problèmes demeurent : la pollution, l'appropriation, l'exploitation des ressources, les inégalités ...
Les récits façonnent notre rapport au monde ; aussi est-il vital de les questionner (les récits dominants hégémoniques sont biaisés et problématiques. On ne retient que trop souvent la version des "vainqueurs"). Il faut prêter attention aux autres récits, minoritaires, divergents, et créer et alimenter des imaginaires alternatifs. La vision simili-divine que nous ont offerts les avions puis les satellites apportent une vision d'ensemble en gommant les détails ; or les détails importent.
L'astrophysique, c'est l'étude du minuscule dans l'immense. Injecter de l'astrophysique dans nos histoires, serait-ce un moyen de créer des récits spéculatifs, porteurs de sens et de changement ?